Serafima Ponomareva, étudiante du MGIMO, a été au front, a laissé sa signature sur le mur du Reichstag et a travaillé comme interprète au procès de Nuremberg à l'âge de 18 ans. Aujourd'hui, elle en a 94. Elle a partagé ses souvenirs avec le projet «Nuremberg. Le début de la paix». Nous présentons sa version des événements sans corrections et dans leur intégralité: comme elle s'en souvient. Aujourd'hui, voici le dernier épisode du cycle multimédia sur l'interprète. Découvrez dans les premier et deuxième épisodes comment Serafima Ponomareva s'est retrouvée au procès et ce qu'elle a vécu dans la salle d'audience.

L'article est préparé conjointement par l'Agence internationale Sputnik Kazakhstan et la rédaction du projet «Nuremberg. Le début de la paix».

«Je viens d'Union soviétique»

En plus des souvenirs, Serafima Grigorievna a encore des récompenses: des Ordres de la Grande guerre patriotique des premier et deuxième degrés et 18 médailles, dont celles pour la libération de Berlin et de Varsovie. Et il y a de plus quelques photographies uniques.

«Il y avait un tel feu, c'était insupportable. Ce sont des Katioucha, une centaine de Katioucha. C'est Joukov. Ce sont les obus qui volent vers Berlin. C’étaient des jours effrayants. Voici que nous arrivons à Berlin. C’est ainsi qu’était alors la ville. Voici des petits drapeaux blancs accrochés aux fenêtres à Berlin. C'est un signe de capitulation, que les Allemands se rendent. Voici Joukov, voici le Reichstag détruit, voici Joukov qui descend, qui a fait une inscription. Moi aussi, j'en ai fait. J'ai écrit: "Je viens d'Union soviétique". Ici, les soldats servent de la bouillie. Voici Macha, elle a 97 ans maintenant, elle est la première agente de circulation à Berlin. Quand nos troupes sont entrées dans la ville, il y avait beaucoup de voitures, et c’est elle qui régulait la circulation. Nous étions très amies. Nous avions notre propre hôpital, l'hôpital central du quartier général. Infirmières, médecins: nous étions tellement amis...

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Nous n'avions pas de culottes à l'époque. Les filles recevaient des sous-vêtements avec leur uniforme. Et la nuit, nous coupions ces sous-vêtements, nous y faisions des petits volants, nous confectionnions des culottes. Nous n'avions pas de vareuse de rechange, nous devions faire la lessive pour pouvoir nous changer. Que pouvions-nous porter? Notre armée était très pauvre: nous ne nous préparions pas à la guerre. Et puis, déjà après la guerre… On nous a distribué des fiches “survêtement”, “sous-vêtement”, “tabac”. Nous avons échangé du tabac contre du sucre. Nous étions mal habillés. La seule chose avec laquelle l'Amérique nous a aidés était le lait concentré, les conserve de viande... Des vêtements, on n’en parlait même pas!

Des vêtements, ce n’est pas de cela qu’il faut parler... Quand il y a eu la division en plusieurs parties: le secteur américain, français, anglais, nous sommes allées dans le secteur américain avec une amie pour commander des chaussures, les ateliers avaient déjà ouvert là-bas. Le bureau du commandant américain nous a arrêtées. Nous y sommes restées pendant deux jours jusqu'à ce que Joukov donne l'ordre de venir nous chercher. Et nous avons eu un avertissement, et nos chaussures sont restées là-bas, [bien que] nous ayons payé.

C’est là-bas que je me suis mariée. C'est aussi toute une histoire. Le ministère de la Défense m'a autorisé à me marier, c'était très strict concernant cette question. Nous n'avions pas d'établissements de divertissement. Nous n'avions pas le droit de sortir avec quelqu'un. Je n'ai jamais embrassé personne de ma vie avant le mariage. Peut-être que cette discipline a préservé notre côté moral. Aucune n'était "intempérante". Rares étaient les filles qui se mariaient, on ne sortait pas du tout. Il y avait des militaires autour, et il y avait peu de filles. Avec mon mari, nous nous sommes rencontrés par hasard. Quand nous allions nous marier, j'ai fait une demande, mon mari en a fait une auprès du commandant de son unité. Les demandes ont été transférées au ministère de la Défense de l'URSS. Pendant trois mois, ils ont examiné la question de savoir si nous pouvions nous marier. Nous avons eu l’autorisation, et le 5 mai 1949, nous nous sommes mariés.»

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Après Nuremberg, Serafima Ponomarev a travaillé pendant encore sept ans au quartier général à Berlin. À son retour en URSS, elle a achevé ses études et a eu son diplôme en 1954. En 1961 elle a déménagé au Kazakhstan en suivant son mari, colonel, qui après ses études, a été envoyé travailler à Karaganda, dont il était originaire. 10 ans plus tard, il est mort des suites d'une blessure reçue quelques années plus tôt. Pendant 20 ans, Serafima Grigorievna a travaillé comme enseignante dans un pensionnat, puis pendant encore 30 ans à l'Institut polytechnique. Elle a deux filles, quatre petites-filles, cinq arrière-petits-enfants et deux arrière-arrière-petits-enfants.

Le 2 octobre 2020, Serafima Ponomareva a fêté ses 94 ans. Il est important pour elle de partager ses souvenirs, de transmettre son témoignage sur l’Histoire. Elle dit: «Nous sommes encore en vie, demandez-nous ce qui s'est passé.»

C’est ce que nous avons fait.


Préparé par:
Aïgiouzel Kadir, correspondante,
Abzal Kaliev, caméraman,
Agence de presse internationale Sputnik Kazakhstan;
Irina Kareva et Lessia Orlova, éditrices du projet «Nuremberg. Le début de la paix».


Note de la rédaction:
Le témoignage de Serafima Grigorievna Ponomareva évoque un sujet très important, celui du travail des interprètes simultanés lors des séances du tribunal militaire international. Au cours de ce procès, une nouvelle réalité linguistique et communicationnelle s'est créée: interprétation simultanée contemporaine, telle que nous la connaissons aujourd'hui. La rédaction du projet «Nuremberg. La rédaction du projet «Nuremberg. Le début de la paix» prépare un article sur le travail des interprètes au procès de Nuremberg.