Le projet Nuremberg. Le début de la paix a déjà abordé deux des 12 «procès successeurs» dans lesquels des médecins nazis et des membres des Einsatzgruppen étaient accusés. Aujourd’hui, nous vous parlons de quatre autres procès organisés par les États-Unis: ceux du maréchal Milch, des juges nazis, des intendants de la SS et des employés de l’industriel allemand Flick. Tous ces procès ont été caractérisés par des preuves solides et une grande diversité des accusés, mais les sentences finales ont souvent été relativement clémentes.
Procès des serviteurs du Reich
Les grands crimes des intendants, juges et comptables nazis aux «procès successeurs»
Maréchal Erhard Milch, inspecteur en chef de la Luftwaffe et adjoint d’Hermann Göring.
Le deuxième des 12 «procès successeurs» était celui d’un des plus proches collaborateurs d’Hermann Göring: le maréchal Erhard Milch, inspecteur en chef des forces aériennes (Luftwaffe) du Troisième Reich. Il était intervenu au tribunal militaire international en tant que témoin de la défense. C’est désormais lui qui se retrouve accusé.
Erhard Milch (à gauche) dans le parloir avec son frère Werner, qui était assistant d’avocat lors du procès.
Milch était seul sur le banc des accusés. Trois chefs d’accusation lui ont été présentés: commission en connaissance de cause de crimes consistant à créer des entreprises recourant au travail forcé et à utiliser des prisonniers de guerre dans des hostilités contre leur pays, en violation du droit international et des lois et coutumes de la guerre; participation en connaissance de cause à des expériences médicales sur des êtres humains sans leur consentement; et responsabilité du travail forcé et d’expériences mortelles mentionnés dans les deux premiers chefs d’accusation. Le maréchal a plaidé non coupable.
Le juge Robert Toms a présidé le procès Milch.
Le procès s’est déroulé du 2 janvier au 17 avril 1947. Milch a été reconnu coupable des premier et troisième chefs d’accusation et condamné à la prison à perpétuité.
Le juge Donald Phillips lit le verdict au procès Milch.
Son séjour en prison a été de courte durée. En 1951, John McLoy, haut-commissaire allié, a commué sa peine en 15 ans d’emprisonnement. Trois ans plus tard, en juin 1954, il a été libéré.
L’un des principaux fondateurs de la Luftwaffe, à propos de qui Göring disait «Je décide qui est et qui n’est pas un juif», n’a pas repris d’activités politiques ou militaires et a travaillé comme consultant industriel. Erhard Milch est mort le 25 janvier 1972 à l’âge de 79 ans.
Ernst Lautz, procureur en chef du tribunal du peuple du Troisième Reich, a été condamné à 10 ans de prison au troisième des 12 «procès successeurs» (procès des juges).
Après le procès Milch, ce sont des fonctionnaires de la justice nazie qui sont jugés à Nuremberg. Il s’agit d’un précédent unique et d’une ironie mordante: les personnes appelées à rendre la justice sont elles-mêmes devenues des criminels.
Josef Altstötter, ancien ministre de la Justice du Reich.
14 personnes – des employés du ministère de la Justice du Reich, du tribunal du peuple (Volksgerichtshof, haute cour spéciale du Reich), les présidents des tribunaux spéciaux de Nuremberg et de Stuttgart – ont été jugées par les autorités américaines. Deux autres personnes ont échappé aux poursuites: l’une s’est suicidée avant le début du procès et l’autre est tombée gravement malade au cours de celui-ci.
Charles La Follette, procureur au procès des Juges, le troisième des 12 «procès successeurs».
L’acte d’accusation comprenait quatre chefs d’accusation: plan commun ou conspiration, crimes de guerre par abus de pouvoir judiciaire, crimes contre l’humanité, appartenance à des organisations reconnues criminelles par le tribunal militaire international (SS et NSDAP). Le premier chef a été rejeté par le tribunal comme ne relevant pas de sa compétence et le quatrième n’a été reproché qu’à certains des prévenus. Aucun des 16 accusés n’a plaidé coupable.
Interrogatoire du Dr Hans Gramm, témoin de la défense au procès des Juges, le troisième des 12 «procès successeurs».
Le procès s’est ouvert le 5 mars et le verdict a été rendu le 4 décembre 1947. Le tribunal a condamné quatre accusés à la prison à perpétuité et six à des peines de prison de cinq à 10 ans. Presque tous ont été libérés avant terme en 1950-1956. Une seule personne est morte en cellule avant cette période. Quatre autres accusés ont été complètement acquittés par le tribunal.
Oswald Pohl, chef de l’Office central SS pour l’économie et l’administration.
Du 8 avril au 3 novembre 1947, les employés de l’Office central SS pour l’économie et l’administration impliqués dans la «solution finale de la question juive» sont jugés: 18 personnes au total, avec à leur tête le chef de l’Office, Oswald Pohl.
Les accusés et leurs avocats lors du procès Pohl, le quatrième des 12 «procès successeurs».
L’accusation comportait les mêmes quatre chefs d’accusation: plan commun ou conspiration; crimes de guerre dans les camps de concentration et les camps de la mort, meurtres de masse et atrocités; crimes contre l’humanité dans ces camps, esclavage; appartenance à une organisation criminelle (SS).
Oswald Pohl écoute l’énoncé de sa sentence.
Le tribunal a prononcé quatre condamnations à mort, trois à la prison à perpétuité et huit à d’importantes peines de prison. Trois accusés ont été complètement acquittés. Parmi les condamnés, seul Oswald Pohl a été pendu: de nombreux autres ont vu leur peine commuée.
L’industriel Friedrich Flick lit l’acte d’accusation.
Le tribunal a acquitté trois accusés. Friedrich Flick a été condamné à sept ans de prison, Otto Steinbrinck à cinq ans et Odilo Burkart à deux ans et demi. Steinbrink est mort en détention, Flick et Burkart ont purgé leur peine et ont été libérés.
Juges au procès Flick, le cinquième des 12 «procès successeurs» (de gauche à droite): Frank Richman, Charles Sears, William Christianson et Richard Dixon.
L’acte d’accusation comportait cinq chefs: crimes de guerre et crimes contre l’humanité par la participation à la déportation et à la réduction en esclavage de civils et de détenus des camps de concentration utilisés comme main-d’œuvre dans les usines et les mines de Flick; crimes de guerre et crimes contre l’humanité par le pillage et la saisie de biens dans les territoires occupés et la saisie d’usines à l’ouest et à l’est; crimes contre l’humanité par la participation à la persécution des juifs et à l’«aryanisation» de leurs biens; appartenance à une organisation criminelle. Le tribunal a rejeté le troisième chef d’accusation, déclarant que les événements antérieurs au déclenchement de la Seconde Guerre mondiale ne relevaient pas de sa compétence. Tous les accusés ont plaidé non coupable.
L’industriel Friedrich Flick au moment de la sentence le 22 décembre 1947.
Le cinquième des 12 «procès successeurs» et le premier des procès d’industriels allemands est celui de Friedrich Flick. Outre celui-ci, l’un des principaux magnats ayant soutenu financièrement les nazis, cinq hauts dirigeants (nous dirions aujourd’hui des cadres supérieurs) de ses entreprises se sont retrouvés sur le banc des accusés. Ils ont été jugés du 19 avril au 22 décembre 1947.