Serafima Ponomareva, étudiante du MGIMO, a été au front, a laissé sa signature sur le mur du Reichstag et a travaillé comme interprète au procès de Nuremberg à l'âge de 18 ans. Les événements de cette période de sa vie sont encore vivaces dans sa mémoire, alors qu'elle a 94 ans. Nous avons filmé et mis par écrit son histoire. Nous présentons sa version des événements passés sans corrections et dans leur intégralité, comme elle s'en souvient. Aujourd'hui, voici la première partie du cycle multimédia sur cette interprète.

L'article est préparé conjointement par l'agence internationale Sputnik Kazakhstan et la rédaction du projet «Nuremberg. Le début de la paix».

«Nous sommes devenus militaires. Des petites personnes dans un grand royaume»

Dès sa tendre enfance, Serafima apprend l'anglais, l'allemand et le français avec son père, employé du ministère des Affaires étrangères. Elle n'a pas encore 15 ans lorsque la guerre éclate. Évacuée au Kazakhstan, elle revient à Moscou deux ans plus tard et s'inscrit à l'Institut des relations internationales de Moscou (MGIMO). Elle part au front en étant encore étudiante. En avril 1944, Serafima Ponomareva est interprète d'allemand à l'hôpital du quartier général du Premier front biélorusse sous le commandement du maréchal Joukov.

«En 1943, nous avons été autorisés à retourner à Moscou. En juin mon père m'a dit: "Inscrits-toi à notre institut." C'est-à-dire à l'Institut des langues étrangères au 9, rue Profsoyuznaya. Le fait est que je connaissais déjà des langues étrangères, l’anglais et l’allemand. Nous en parlions à la maison avec ma sœur. Nous n'étions que sept: c'était la guerre... On nous a demandé de réciter un poème, de lire un texte: c'est ainsi qu'ils m'ont acceptée. On peut dire sans examens.

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Un jour, le directeur des études est venu nous dire qu'il fallait des interprètes au front. Nos troupes approchaient déjà de Berlin, mais personne ne formait d'interprètes, il n'y en avait tout simplement pas... Deux personnes, dont moi, ont été envoyées au front. J'avais 17 ans, mais je n'avais pas d'acte de naissance. Je suis née en 1926, et pour ceux qui sont nés en 1927, surtout les filles, il y avait d'ordre de Staline de ne pas les envoyer au front. Et puis ma mère a décidé d’en faire un faux. Elle s'est rendue au bureau d'état civil et a fait établir un acte de naissance daté de 1927. Mais ils m'ont envoyée quand même au front. À Moscou, ils ont créé un hôpital central du quartier général, chargé du tri et de l’évacuation. Ils nous ont mis dans cet hôpital [qui se trouvait dans un train] et nous sommes allés au front. Nous sommes arrivés à Brest... Il n'y avait nulle part où s'arrêter, Brest était vaincue, la forteresse de Brest détruite... De Brest nous sommes allés en Pologne. Nous avons traversé Varsovie. Je me souviens que la Vistule était rouge de sang: la veille les combats pour la libération de Varsovie avaient eu lieu. 600.000 de nos soldats, non pas les Américains, ni les Français, 600.000 de nos soldats soviétiques sont morts là-bas, et maintenant leurs monuments sont en train d'être jetés... Nous nous sommes arrêtés dans la ville de Lodz, puis nous sommes arrivés à Berlin, où je suis restée pour servir, ai reçu le grade de lieutenant. Nous sommes devenus militaires. Petites personnes dans ce grand, grand royaume, petits rouages...

Nous avons célébré le jour de la Victoire à Berlin. Je me souviens que la veille du 9 mai nous avons lavé nos vareuses, nous n'avions plus rien à mettre. Et donc, le 9 mai, nous nous sommes réveillés, sommes allés aux murs du Reichstag, tout le monde a marché le long de la rue Unter den Linden, Karl-Marx-Straße, tous les soldats, les officiers qui avaient pris Berlin et les survivants se sont rassemblés à la porte de Brandebourg. Joukov portait la bannière de la Victoire. Nous avons parcouru les rues de Berlin et sommes retournés au Reichstag, depuis les marches duquel Lidia Rouslanova a chanté des chansons russes, soviétiques et militaires. J'en ai une photo.

Après la victoire, c'est Nikolaï Erastovitch Berzarine qui a été nommé commandant de Berlin. C'était un homme à fort caractère qui avait pris Berlin. Il y avait beaucoup à faire: nettoyer la ville, nourrir la population locale. Les enfants faisaient la queue pour manger. De la bouillie de sarrasin dans des pots, du pain ont été distribués. Le 16 juin, Berzarine est mort lors d'un déplacement dans la ville. Joukov a alors pleuré.

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Notre foyer, qui était une ancienne école SS, était situé dans le quartier de Karlshorst, à la périphérie de Berlin. Notre quartier général se trouvait là-bas. Des réunions avaient lieu tous les jours à 9 heures. Parfois Joukov y participait, parfois quelqu'un le remplaçait. Nous avons reçu des missions. Avant d'aller au procès de Nuremberg, on nous a envoyés travailler dans des camps, ils étaient huit.

J'y suis allée en tant qu'interprète, accompagnée de sténographes. Nous avons rassemblé des matériaux pour le procès de Nuremberg, mais nous ne savions pas encore que ce procès aurait lieu.»


Préparé par:
Aïgiouzel Kadir, correspondante,
Abzal Kaliev, caméraman,
Agence de presse internationale Sputnik Kazakhstan;
Irina Kareva et Lessia Orlova, éditrices du projet «Nuremberg. Le début de la paix».