Le 27 février, les procureurs soviétiques ont convoqué en tant que témoin Severina Shmaglevskaja, citoyenne polonaise. Elle était prisonnière au camp de concentration d’Auschwitz-Birkenau d’où elle s’est enfuie en janvier 1945.

«Quelques minutes après la naissance, on enlevait le bébé à sa mère qui ne le revoyait plus. Au bout de quelques jours, elle retournait à son travail. En 1942, il n’y avait pas encore de bloc spécial pour les enfants. Au début de 1943, lorsque l’on a commencé à tatouer les internés, les bébés nés dans le camp de concentration ont également été tatoués: le numéro était inscrit sur la jambe […] car l’enfant était trop petit et le matricule, qui comportait cinq chiffres, n’aurait pas tenu sur son bras. […]

Le Tribunal sait certainement qu’avant d’être emmenés au four crématoire, les nouveaux venus étaient triés. […] Au cours de cette sélection, un petit nombre de femmes juives, jeunes et bien portantes, étaient envoyées au camp, mais celles qui avaient des enfants dans les bras ou qui poussaient des landaus, et celles qui avaient des enfants un peu plus âgés étaient envoyées directement avec leurs enfants au four crématoire. On séparait les enfants de leurs parents devant l’entrée du four et on les conduisait séparément à la chambre à gaz. À l’époque où l’extermination des Juifs dans les chambres à gaz était à son paroxysme, on a donné l’ordre de jeter directement les enfants dans le four crématoire ou bien dans les tranchées avoisinantes sans être asphyxiés au préalable. […] On les jetait vivants dans les tranchées et l’on entendait leurs cris dans tout le camp. Il est difficile de préciser le nombre de ces enfants qui sont morts de cette façon. […] Je ne sais pas si les Allemands voulaient économiser du gaz ou s’il n’y avait plus de place dans les chambres à gaz. […]

Nous, les internés, si nous voulions nous rendre compte du nombre d’enfants qui périssaient dans les chambres à gaz, nous ne pouvions nous baser que sur le nombre de landaus qui arrivaient au magasin. On nous en amenait des centaines, parfois des milliers. […]

Au moment du soulèvement de Varsovie, des enfants de cette ville sont arrivés au camp. Le plus jeune avait six ans. Ils ont été installés dans un baraquement séparé. Quand on a commencé à transporter systématiquement en Allemagne des internés de Birkenau, ces enfants ont été affectés à des travaux pénibles. À cette époque, des enfants juifs hongrois sont arrivés et se sont joints à ceux de Varsovie pour travailler avec eux sur deux chantiers comme des adultes. Avec deux charrettes qu’ils devaient tirer eux-mêmes, ils transportaient d’un camp à l’autre du charbon, des briquettes, des machines en fer, du bois à parquet et autres objets lourds. Ils ont travaillé aussi au démontage des baraquements au moment de la dissolution du camp. Ils sont restés à Birkenau jusqu’à la fin. En janvier 1945, ils ont été évacués et obligés de se diriger à pied vers l’intérieur de l’Allemagne dans des conditions aussi pénibles que les adultes: sans nourriture, ils ont dû faire 30 kilomètres par jour sous la conduite des SS. […]

Je voudrais dire quelques mots sur les méthodes de démoralisation employées dans les camps: tout ce qu’enduraient les internés était le résultat d’un plan systématique d’humiliation de l’Homme. Les internés arrivaient au camp dans des wagons à bestiaux. Dès le départ, ces wagons étaient hermétiquement fermés et dans chacun, un grand nombre de personnes étaient parquées. Les gardes SS ne se souciaient pas du tout de leurs besoins naturels.»

 

Source:
unicaen.fr