Le 10 mai s’achève le contre-interrogatoire de l'accusé Karl Dönitz qui, après le suicide d'Hitler le 30 avril 1945, prend les fonctions de chef du Troisième Reich et de commandant en chef des forces armées allemandes.
Dönitz fait alors des déclarations surprenantes. Répondant à une question de David Maxwell-Fyfe, représentant du parquet britannique, il décrit le système politique de l'Allemagne par ces mots: «On ne peut pas dire que c'était une dictature militaire. Ce n'était pas du tout une dictature».
De manière étonnante, il considère la déportation massive puis l'extermination de millions de juifs comme un facteur militaro-stratégique. Grand-amiral, il explique les succès de l'armée allemande au cours de la première moitié de la guerre par des mesures efficaces contre les juifs. Le 12 mars 1944, Dönitz déclare dans un discours public: «Divisés en divers partis, assiégés par la propagation du poison de la communauté juive, sans aucun moyen de défense, nous serions depuis longtemps brisés sous le poids de cette guerre et nous nous serions livrés à l'ennemi». Le 10 mai 1946, après tout ce qu'il a entendu au procès de Nuremberg, il n'ajuste que légèrement son point de vue sur «la propagation du poison de la communauté juive». «Il serait très difficile pour la population de supporter les conséquences des bombardements si une telle influence avait lieu», rectifie-t-il.
Sa déclaration la plus frappante survient en réponse à une question du procureur soviétique Yuri Pokrovsky sur les événements des premiers jours de mai 1945, lorsque même Hitler a perdu confiance en son projet et s’est suicidé.
«Pokrovsky: Dans votre allocution à l'armée et au peuple, vous avez exigé de continuer la guerre. Et vous avez traité de lâches et traîtres tous ceux qui voulaient mettre fin à la résistance. N'est-ce pas?
Dönitz: Oui.
Pokrovsky: Le 30 avril, c’est-à-dire le jour de la publication de ces deux documents, dont nous sommes en train de parler, il est absolument clair que toute résistance supplémentaire de l'Allemagne nazie serait vaine et inutile. Vous comprenez ma question, êtes-vous d'accord avec cela?
Dönitz: Oui, j’ai compris la question. Je peux dire la chose suivante: je devais continuer à me battre à l'Est pour sauver les réfugiés qui se déplaçaient vers l'Ouest.
Pokrovsky: L’accusé Dönitz, vous n’avez pas répondu à ma question, bien qu’elle ait été formulée de manière absolument claire. Est-ce que vous êtes d’accord que le 30 avril, la futilité et l'inutilité d'une résistance supplémentaire de la part de l'armée d'Hitler étaient absolument claires? Oui ou non, répondez à ma question.
Dönitz: Non, non, cela n’était pas clair.»
Source:
Sténogramme de l’audience du Tribunal militaire internationale de Nuremberg, 9-10 mai 1946. Site web historic.ru