Depuis 1946, le champion du monde d’échecs Alexandre Alekhine vivait à Estoril, ville touristique du Portugal. Il était seul, sans argent, tourmenté par la maladie et l'alcoolisme, et boycotté par ses collègues.

Début mars, sur l'invitation de l'ambassade britannique, il s'est rendu à Lisbonne, où il a reçu une lettre délivrée par la poste diplomatique. La lettre disait:

«Cher Monsieur,

Je regrette que la guerre ait empêché l'organisation de notre match en 1939. Mais en même temps, je vous défie de nouveau à un match de championnat du monde d’échecs.

Si vous êtes d'accord, mon représentant et le Club d'échecs de Moscou négocieront avec vous ou votre représentant les conditions, la date et le lieu du match, de préférence avec la participation de la Fédération britannique des échecs.

J'attends votre réponse, dans laquelle je vous demande également d'exprimer vos souhaits concernant la date et le lieu du match. Je vous prie de bien vouloir envoyer un télégramme suivi d'une lettre au Club d'échecs de Moscou.

Le 4 février 1946

Mikhaïl Botvinnik»

L'invitation du plus grand joueur soviétique signifiait pour Alekhine qu'il était autorisé à revenir dans les échecs au niveau mondial et que son boycott était terminé.

Alexandre Alekhine s'est retrouvé isolé en raison de sa coopération avec l'administration nazie en France. Depuis 1920, il a vécu en dehors de l'URSS, principalement en France. Lorsque la guerre a éclaté, il se trouvait en Argentine pour participer à un tournoi. Alekhine est retourné à Paris et s'est porté volontaire pour partir au front. Après la défaite des forces françaises, il s'est installé au sud du pays contrôlé par le gouvernement collaborationniste de Vichy. Le champion du monde a publié un certain nombre d'articles et a donné plusieurs interviews dans lesquelles il a opposé les «échecs aryens» aux «échecs juifs», en suivant les principes de la théorie raciale nazie.

En 1942-1943, Alekhine a vécu principalement à Prague. Il a donné des séances de jeu simultané aux officiers de la Wehrmacht, a accepté le patronage du gouverneur général de la Pologne occupée, Hans Frank (qui a été jugé par le tribunal de Nuremberg après la guerre). Dès fin 1943, Alekhine a vécu principalement en Espagne et au Portugal, a participé à des tournois d'échecs en tant que représentant du Troisième Reich.

Par la suite, il a expliqué ses actions par crainte pour la sécurité de sa femme, une juive américaine. Le champion du monde a été boycotté par la communauté des plus grands joueurs et les fédérations d'échecs du monde.

Après la Seconde Guerre mondiale, une commission internationale a été créée pour enquêter sur la collaboration d'Alekhine avec les nazis. La commission a examiné la possibilité de priver Alexandre Alekhine de son titre de champion. En France, il y a eu une tentative de le juger pour trahison, puisqu'il était citoyen français et militaire.

Seuls le Royaume-Uni et l'URSS ont manifesté leur soutien au grand joueur d'échecs. Fin 1945, il a été invité à un tournoi en Angleterre, mais en raison des menaces de la part d'autres joueurs de boycotter la compétition, l'invitation a dû être annulée.

La lettre du champion soviétique Mikhaïl Botvinnik, datée du 4 février, a été reçue par Alexandre Alekhine début mars des mains des employés de l'ambassade britannique à Lisbonne. Alekhine a immédiatement envoyé un télégramme à Botvinnik pour dire qu'il était d'accord.

Le 23 mars, la Fédération internationale des échecs (FIDE) a approuvé le match entre Alekhine et Botvinnik. Mais le lendemain, le 24 mars 1946, Alexandre Alekhine a été retrouvé mort dans sa chambre d'hôtel à Estoril. Il était assis dans un fauteuil devant un échiquier. Selon la version officielle, la cause de sa mort est l'asphyxie: un morceau de steak est resté coincé dans sa gorge.


Source:
webchess.ru