Le 18 janvier 1946, le conseiller de l’ambassade d’Allemagne à Moscou, Gotthold Starke, a exécuté les dernières volontés de l’ancien ambassadeur d’Allemagne à Moscou, Friedrich-Werner von der Schulenburg.

Tout au long de son service diplomatique, de 1934 à 1941, Schulenburg a préconisé un rapprochement entre l’Allemagne et l’URSS. Après avoir participé à un complot contre Hitler et à une tentative d’assassinat contre lui le 20 juillet 1944, il s’attendait à une mort imminente.

Peu de temps avant son arrestation, soupçonné de haute trahison, Schulenburg a demandé à Starke de transmettre son message à Viatcheslav Molotov, commissaire du peuple aux Affaires étrangères de l’URSS:

«Dites à Monsieur Molotov que je suis mort pour la cause à laquelle j’avais consacré ma vie à Moscou, à savoir la coopération germano-soviétique. Le moment le plus difficile pour moi a été le matin du 22 juin 1941, où, selon les ordres reçus, je remis à M. Molotov une folle déclaration de guerre, et ce n’était que quelques heures après notre conversation sur les dernières possibilités d’éviter une grande catastrophe.

Au cours de la guerre, mon opinion sur la dangereuse politique étrangère d’Adolf Hitler, qui a été “couronnée” par le déclenchement du conflit avec l’Union soviétique, a été pleinement confirmée. Par conséquent, j’ai parlé à une personne du groupe des conspirateurs dirigé par le Dr Goerdeler de mes vues sur la nécessité de la paix, c’est-à-dire sur l’établissement immédiat du contact avec l’Union soviétique, et je me suis proposé comme médiateur lors des premières négociations avec l’Armée rouge.

L’échec du coup d’État et, par conséquent, l’impossibilité d’accomplir ma mission ne sont pas de ma faute, tout comme le rôle que j’ai été contraint de jouer le 22 juin 1941. Dans les derniers jours d’avril 1941, alors que je me trouvais à Berlin, j’ai mis en garde Adolf Hitler et dans ma conversation avec lui j’ai atteint les limites des possibilités d’un fonctionnaire impérial. Maintenant, j’ai sacrifié ma vie pour mes convictions politiques fondamentales. [...]

Ma mort au nom de la coopération entre les peuples soviétique et allemand me donne néanmoins le droit de faire appel aux responsables de la politique étrangère soviétique avec une prière pour traiter le peuple allemand avec sagesse et tolérance, car ses couches sociales dans toute leur diversité, et notamment les intellectuels, ont condamné la folie de la guerre contre l’Union soviétique.

Le bien-être des deux grandes puissances est étroitement lié au sentiment de liberté et de bien-être personnel des peuples qui y habitent.»

Le 19 octobre 1944, Schulenburg a été arrêté. Le 10 novembre 1944, il a été exécuté à la prison de Plötzensee.

Sources:
Témoignage du conseiller de l’ambassade d’Allemagne à Moscou Gotthold Starke sur le «Testament politique de Schulenburg», 18 janvier 1946, Archives centraux du FSB de la Fédération de Russie, traduit de l’allemand
Moscou en première ligne. 1941-1942: Documents et matériaux d’archives