L'écrivain Boris Polevoï, correspondant de guerre du journal La Pravda à Nuremberg, qui sera bientôt célèbre dans toute l'URSS en publiant Histoire d'un homme véritable, en savait plus sur Auschwitz que de nombreux témoins du procès de Nuremberg. Il a visité le camp deux jours après sa libération par l'Armée rouge en janvier 1945. Il a parlé avec des prisonniers et des témoins et a rédigé un rapport pour la direction politique du front. Il a parlé de ses impressions sur l'interrogatoire de l'ancien commandant du camp Rudolf Höss au tribunal de Nuremberg le 15 avril 1946 dans un article pour le bureau d'information soviétique Sovinformburo. Les auteurs du projet Nuremberg. Le début de la paix l'ont trouvé dans les archives du Sovinformburo. Pour la première fois, nous publions la version intégrale de l'article du célèbre écrivain sur Auschwitz.
Fumée d'Auschwitz
L'article de Boris Polevoï a été écrit pour le service de presse britannique du bureau d'information soviétique Sovinformburo, qui a été créé auprès du comité d'État pour les relations culturelles avec les pays étrangers du Conseil des ministres de l'URSS. Les auteurs du projet Nuremberg. Le début de la paix ont trouvé l’article dans les archives du Sovinformburo, conservées dans les Archives d'État de la Fédération de Russie.
Note du rédacteur: «L'article est très bon. Je l'ai réduit de plus de trois pages. Je vous prie de la publier immédiatement, sinon il perdra sa valeur. Il convient très bien (...) pour la rubrique "Anniversaire" (pour le 9 mai). 16 avril 1946»
«Dans la vie de chaque personne, il y a des jours qui sont impossibles à oublier. Un de ces jours pour moi restera à jamais le jour glacial et neigeux, lorsque notre petit avion, ayant survolé la Haute-Silésie, a atterri dans un potager géant couvert de neige, près du camp de concentration allemand d’Auschwitz, célèbre pour sa terrible gloire. À cette époque, l'offensive de nos troupes dans ce secteur se développait largement et de manière incontrôlable, comme un ruisseau d'eau de printemps, écrasant toutes les tentatives des Allemands de s'arrêter et de prendre pied sur les lignes intermédiaires. [rayé] Les Allemands ont fui, abandonnant tout et tout le monde, n'ayant pas le temps d’emporter avec eux leurs richesses pillées, ni de brûler les archives, ni de dissimuler les traces de leurs atrocités sanglantes.
Quand notre avion tournait encore au-dessus du camp de concentration géant, choisissant un lieu d'atterrissage, je me souviens. [rayé]
Des milliers de personnes vêtues d'étranges vêtements rayés couraient à notre rencontre de tous les côtés. Ils trébuchaient, tombaient, sautaient sur leurs pieds et couraient à nouveau, haletant, agitant les bras, riant et pleurant en même temps.
Et c’est d'eux, de ces martyrs d'Auschwitz, sauvés de la mort par l'Armée rouge, que nous avons appris quel genre de fumée se répandait au-dessus du camp, enveloppant les alentours et remplissant la poitrine d'une forte puanteur. Le coup de l'Armée rouge dans cette zone était si puissant que les nombreux serviteurs du camp, composés des SS, se sont enfuis le matin, après avoir réussi à la va-vite à faire sauter tant bien que mal les chambres à gaz et une partie des fours dont certains ont pourtant résisté, et, remplis de tas de cadavres, ont continué à fumer, empoisonnant l'air avec leur fumée.
Auschwitz était la bâtisse la plus parfaite et la plus monstrueuse du fascisme allemand. Il faisait la fierté d'Himmler, qui depuis sa [indéchiffrable] berlinoise surveillait jalousement sa construction et son équipement technique, dirigeait personnellement puis supervisait le fonctionnement de cette gigantesque usine de mise à mort et, comme les prisonniers me l'avaient dit à l'époque, y venait souvent avec sa suite ou avec un groupe d'invités composé d'éminents fonctionnaires fascistes pour s'amuser à regarder des personnes être traquées par des chiens ou contempler les exécutions de masse qui étaient effectuées là-bas par toutes les méthodes inventées par le fascisme: de la fusillade simultanée d'une immense foule avec l’aides de mitrailleuses à l'assassinat à l'aide du "Zyklon" dans des chambres à gaz géantes, des exercices de tir sur des personnes vivantes courant à travers le champ, pratiqués par les SS le dimanche, au meurtre des victimes par électrocution, dont les expériences avaient ont déjà été menées dans le camp, mais n’avaient pas encore été achevées.
Accompagnés d'une grande foule de personnes en pantalons et vestes à rayures, de personnes qui ressemblaient à des ombres humaines tellement elles étaient pâles et maigres, et ébranlés par le vent, nous avons fait le tour de cet endroit maudit, probablement l'endroit le plus terrible du monde. Oui, c'était peut-être le summum du fantasme fasciste sauvage, le point culminant auquel Hitler a réussi à s'élever dans son désir misanthropique de "dépeupler" le monde. On nous a montré le camp d'extermination: tout un centre ferroviaire, qui, à l'apogée d'Auschwitz, recevait quatre ou six longs trains à pleine charge par jour avec des voitures remplies de personnes, qui étaient une matière première pour cette gigantesque usine de la mort. On nous a montré un mur de béton de cinq mètres, qui était tout érodé par les balles de mitrailleuses et d’armes automatiques, où des exécutions de masse avaient eu lieu.
Ce stand de tir fasciste était équipé selon les dernières technologies: son sol bétonné avait des égouts et des grilles pour évacuer le sang humain, et il y avait aussi des tuyaux en caoutchouc pour rincer des murs. On nous a montré un immense et long bâtiment de chambres à gaz. Elles ont explosé, mais sur les murs restants, on pouvait distinguer les inscriptions: "vestiaire", "salle de désinfection", "bain".
Elles étaient en réalité habilement déguisées en bains. Il y avait même de faux robinets, d’où ne coulait jamais ni l’eau chaude ni l’eau froide, et des pommes de douche au plafond, qui, bien qu'elles fonctionnaient, n’étaient pas destinées à laver les gens, mais à nettoyer le sol de leur sang. On nous a montré toute une cité de cages pour chiens. Des chiens, des centaines de chiens énormes, dressés pour chasser les gens, s’agitaient, hurlaient et se chamaillaient. Nous avons vu des entrepôts secrets de "déchets": des tas entiers de mâchoires et de couronnes, des dents en or arrachées des bouches des victimes tuées. Nous avons traversé d'immenses hangars, où les cheveux des femmes étaient entassés jusqu'au plafond ou étaient déjà triés et emballés pour être expédiés en Allemagne. C'est alors que nous avons entendu pour la première fois parler de l’officier de la SS Rudolf Franz Ferdinand Höss, constructeur et premier commandant d'Auschwitz. [rayé]
Des personnes en uniformes rayés, qui nous ont montré ce coin de l'enfer fasciste, ont prononcé ce nom avec horreur et dégoût. En soirée, nous sommes arrivés vers le soi-disant "bloc tsigane". Là-bas, sur le sol en béton, près d’une conduite de vapeur, le célèbre critique d'art belge Jean Pernas, 60 ans, était en train de mourir. Ses camarades nous ont demandé, officiers de l'Armée rouge et journalistes soviétiques, de nous approcher pour entendre ses derniers mots. Ce squelette humain à la peau sombre était déjà en train de s’éteindre et la personne qui traduisait notre conversation était obligée de se pencher pour entendre ses paroles. Les voici. Je les ai mémorisées.
- Vengez! Trouvez les coupables et vengez nous, de ces fumées d'Auschwitz, avec lesquelles ils voulaient fermer le soleil pour l'humanité. Mémorisez leurs noms et vengez.
Les noms des autres bourreaux d'Auschwitz ont été oubliés, mais le nom de Höss est resté fermement dans la mémoire, ainsi que toute cette terrible journée de visite dans ce coin de l'enfer fasciste. Et ici, à Nuremberg, plusieurs mois après cette journée-là, nous avons vu ce démon de l'enfer fasciste.
Comme beaucoup de criminels nazis, après la défaite du fascisme, Rudolf Franz Ferdinand Höss s’est procuré un passeport de quelqu'un d'autre, a changé son lieu de résidence, s'est teint les cheveux et jusqu'à très récemment a travaillé quelque part près de Nuremberg, dans une ferme comme ouvrier agricole. Il a labouré les potagers des autres en espérant que lorsque tout se serait calmé et que les passions seraient passées, il retrouverait son or accumulé en secret provenant des couronnes et dents de ses innombrables victimes et vivrait quelque part en attendant des temps meilleurs. Ici, près de Nuremberg, il a été démasqué et arrêté.
Et voilà que ce loup d'Hitler qui a maladroitement et à la hâte changé son fusil d’épaule, se tient à la barre des témoins, témoignant dans l’affaire de son ancien patron Ernst Kaltenbrunner. Les représentants de la presse mondiale attendaient avec impatience l'apparition de ce bourreau en chef d'Auschwitz, qui, de son propre aveu, a tué environ trois millions de personnes par le gaz, les balles et la faim, s'attendant visiblement à voir quelque chose de spécial, de surnaturel. Tout le monde a été frappé lorsqu'un petit homme grisâtre et insipide est entré dans la salle et, prenant place devant le micro, a commencé à témoigner de sa voix aussi grisâtre, régulière et calme. Il a parlé comme s'il ne s'agissait pas de l'un des plus grands crimes de l'Histoire de l'humanité, de l'extermination des millions de personnes, perpétrée par lui systématiquement d'année en année, mais de la cueillette des légumes au potager ou de la récolte du bois.
C’est précisément cette apparence ordinaire et insipide, la régularité calme de sa voix qui sont peut-être les choses les plus terribles. Ce sont ces fonctionnaires obéissants qui ont mis en œuvre sa mauvaise volonté qu’a élevé, nourri et abreuvé le fascisme. C'était l'idéal du leader fasciste, l'idéal du représentant de la "race des maîtres", vers lequel le peuple allemand était dirigé par tous ces Hitler, Göring, Hess, Himmler et Rosenberg.
L'extermination de millions d'innocents était une affaire ordinaire pour lui, qu'il ne la considérait pas pire qu'une toute autre affaire ou un tout autre poste dans le Reich fasciste. Les exécutions publiques de masse, la chasse à l'homme avec des chiens: tout cela n'était pour lui qu'un divertissement innocent de son peuple, qui, à la fin, s'ennuyait avec l'extermination prosaïque de prisonniers dans des chambres à gaz, pratiquée tous les jours.
Il fallait laisser les SS s'amuser, s'exciter. En fin de compte, la manière dont une personne se retrouve dans une cheminée a-t-elle vraiment une importance? Hitler, Himmler, Kaltenbrunner et lui-même, en tant qu'exécuteur de leur volonté et de leurs ordres, ont encouragé leur peuple à trouver de nouveaux moyens efficaces de meurtre de masse et à inventer des machines et chaînes productives pour la destruction des corps humains. À son avis, la terrible fumée d'Auschwitz n'était pas pire que la fumée de toute autre fabrique ou usine qui satisfaisaient les besoins du Reich nazi.
Et même ici, face à la justice mondiale des peuples épris de liberté, cet exemple le plus parfait d'un fasciste allemand, membre du parti nazi depuis 1923, qui a rejoint volontairement la SS en 1934, assassin et criminel dans un passé lointain, fasciste militant et bourreau de millions de personnes dans un passé récent, ne trouve rien de spécial dans son terrible travail et dit calmement au micro:
- Il est, bien sûr, difficile de faire des calculs exacts, mais je pense qu’à Auschwitz, quelque deux millions et demi de personnes ont été gazées ou exécutées d’autres manières. Si on y ajoute un demi-million de morts de faim et d'épuisement, cela donnera environ trois millions. Oui, oui, ce chiffre ne doit pas être considéré comme exagéré.
Et, peut-être, oubliant un instant où il se trouve, retournant mentalement dans le passé, il se met soudainement à se vanter – oui, se vanter, c'est bien le mot – de l'ampleur et de la perfection des moyens de destruction humaine qu'il a utilisés à Auschwitz. Répondant au représentant du parquet américain, le colonel Amen, il dit:
- Nous avons réussi à mettre en place la technique de destruction sans doute mieux que dans d'autres camps. Nous avons appliqué toutes les meilleures réalisations des autres et nous avons ajouté beaucoup de choses de notre côté. Pour le gazage des prisonniers, ils ont utilisé différents gaz, dont l'action n'était, en général, pas très forte. J'ai été le premier à essayer le Zyklon B. C'est un fort acide cristallin. Un poison merveilleux. Sous l'effet de ses vapeurs, les gens meurent en 10 ou 15 minutes. À Treblinka, à Belzec, à Buchenwald, il y avait de petites chambres à gaz, pour 200 personnes tout au plus. Il fallait beaucoup bricoler pour les remplir. Chez moi, chaque chambre avait une capacité de 2.000 personnes à la fois, et si on le souhaitait, il était possible, sans trop d'encombrement, d'y mettre plus de personnes. Dans d'autres camps, les personnes, qui descendaient du train, savaient déjà où elles étaient emmenées. Il y avait, bien sûr, du bruit, des pleurs, des cris, les mères cachaient leurs enfants dans leurs jupes, ne les donnaient pas. Cela donnait parfois lieu à des émeutes. Alors que chez nous, il n'y avait rien de tel. Tout était bien déguisé en bains ou salles de désinfection. Les gens descendaient du train, pensant sincèrement qu'ils étaient emmenés pour travailler. Ils étaient impatients de se laver après le voyage. Ils mettaient soigneusement leurs vêtements sur des cintres et recevaient des numéros. Les objets de valeur étaient déposés séparément. Ils commençaient à deviner ce qui leur arriverait seulement lorsque les portes seraient vissées et que le gaz aurait été mis. Ils criaient, bien sûr, mais ils ne pouvaient plus rien faire. En termes de technique de destruction, nous étions sans aucun doute en première position.
Se vantant, Höss dit que c'est lui qui a réussi à organiser correctement l'utilisation des déchets de son usine de mort géante: cheveux de femmes, vêtements, chaussures des personnes exécutés. Il y avait même une équipe spéciale chargée s'arracher des couronnes d'or, des mâchoires, des dents des bouches des personnes mortes. Tout cela a fourni un fort revenu en or aussi bien pour le Reich que pour les bourreaux.
J'écoute le bruissement de cette voix calme et raisonnable et je pense à ce que devraient être ce système, cet environnement, ces idées dans lesquelles de tels monstres pourraient naître, être élevés, se nourrir. Je me suis souvenu de la fumée d'Auschwitz. Je me suis souvenu de ses prisonniers et de leurs prières sur leur lit de mort. Et je voudrais dire à ces personnes à moitié mortes en vêtements rayés, miraculeusement sauvées des fours ardents qui m'ont accompagné dans le camp d'extermination, que leur bourreau et tous ceux qui l'ont élevé, qui ont guidé sa main sanglante, qui ont inventé tous ces Auschwitz, Mauthausen, Belzec, qu'ils n'ont pas leur place sur Terre, qu'ils ne l'ont pas et ne l'auront jamais.»
Rapport du correspondant du journal La Pravda, lieutenant-colonel B. Polevoï, au chef du département politique du premier front ukrainien sur le camp d'Auschwitz daté du 29 janvier 1945
«Au chef de la direction politique du premier front ukrainien, major-général camarade Yachetchkine
Rapport
Je vous rapporte quelques informations sur le grand camp de concentration allemand d'Auschwitz.
I. Ce camp est situé au sud-est du bassin houiller de Haute-Silésie et constitue tout un complexe de camps de concentration, avec le centre dans la ville polonaise d'Oswiecim, situé dans la vallée des rivières Vistule et Sola.
II. Pour saisir l'ampleur de ce camp, il suffit de dire que dans la première année de son existence, en 1940-1942, et jusqu'au milieu de l’année 1943, jusqu'à huit trains par jour avec des prisonniers y arrivaient. Jan Kzezinckij, adjoint du directeur de la gare de fret d'Oswiecim, qui était en charge de la circulation des trains dans cette zone, a déclaré:
"Au cours des trois premières années, il y avait autant de trains avec des prisonniers arrivant parfois ici que notre gare de fret n'avait pas le temps pour traiter ces trains, et c’est pour cela que l’adjoint du directeur de la gare de fret, un certain Kaziemir Kontusz, s’est retrouvé à Auschwitz. Un train comptait jusqu'à 30 voitures, et les Allemands entassaient jusqu'à 50 personnes dans chaque voiture: cela donne un chiffre approximatif de l'arrivée quotidienne de prisonniers dans le camp. Il est caractéristique que pendant tout le temps de mon travail, personne n'a été sorti du camp, sauf les derniers mois, lorsqu’on a commencé à utiliser les prisonniers du camp dans la construction de fortifications près de Cracovie et dans la zone du bassin houiller de Haute-Silésie."
III. Selon le témoignage des prisonniers russes: Nikolaï Vassilievitch Kozlov, ancien président de l'Union des coopératives de consommateurs de la ville d'Ouman, Stepan Markovskiï, ancien chef du département de police du district de la ville de Belaïa Tserkov – il y avait une installation de tri au centre du camp d'Auschwitz, juste à côté de la ville d'Oswiecim. Tous ceux, qui y arrivaient, ont été triés selon leur capacité à travailler.
Les valides étaient envoyés aux travaux forestiers et routiers dans les environs, les non-valides – vieillards, femmes, ainsi que politiciens et juifs – étaient immédiatement envoyés à la soi-disant "usine de la mort".
Au cours des deux premières années, des personnes ont été tuées de manière ordinaire: abattues et enterrées dans de grandes fosses d'une capacité de 200 à 250 personnes, des centaines de ces fosses sont situées dans la partie ouest du camp, que les détenus du camp ont appelé "allée d’Hitler". En 1942, les Allemands ont construit deux crématoires: le premier, dans lequel des cadavres ont été brûlés, tout comme à Majdanek, ressemble de l'extérieur à une grande usine de brûlage de chaux, le second est la soi-disant "chaîne de la mort". C'était un long bâtiment, de près d'un demi-kilomètre de long, au bout duquel se trouvaient des fours de mineur chauffés au gaz de charbon chaud, la température dans les fours atteignant 800 degrés, de sorte que les cadavres y étaient brûlés en huit minutes, il y avait un bâtiment longitudinal avec des planchers métalliques divisé en cabines séparées qui sortait des fours vers le nord. Les prisonniers ont été amenés par train et on leur disait que sur ce lieu de travail ils devaient être désinfectés, ils étaient déshabillés, femmes et hommes séparément dans les vestiaires, ils déposaient leurs affaires, puis se rendaient dans une pièce avec une inscription "Bain", là-bas, ils étaient électrocutés à haute tension. Puis le plancher s’ouvrait, les cadavres tombaient sur des chaînes allant lentement vers les fours, où ils étaient brûlés, puis les os brûlés étaient passés à travers les broyeurs pour fertiliser les potagers situés autour du camp. Ce bâtiment, ainsi que le four, après le procès de Maidan, a été détruit par les Allemands et seules ses ruines sont visibles sur place.
Il y avait toutes les méthodes de meurtre, selon les récits de Kozlov et Markovskiï, après le procès de Maidan, les Allemands ont beaucoup fait pour dissimuler les traces du crime, ils ont notamment rasé les bosses sur les tombes.
IV. L'organisation du travail au camp ne poursuivait qu'un objectif immédiat, il y a énormément de personnes qui ont été amenées au bord de la mort, elles ont travaillé pendant 16 ou 17 heures [par jour, ndlr]. Pour chaque infraction, ainsi que pour le non-respect de norme de rendement, des punitions par coups de bâton étaient prescrites, elles ont été effectuées dans des locaux spéciaux sur une échelle, entre cinq et 60 coups de bâtons. Adaptés pour la punition, des bancs tachés de sang, gainés de zinc avec des ceintures pour attacher les bras et les jambes, des bâtons en acier recouvertes de cuir, des bâtons de fer, des fouets avec des cordes d'acier: je les ai vus de mes propres yeux.
V. Non loin d'Oswiecim, près du village de Babice, il y avait un camp de prisonniers de guerre pour les Britanniques et les Canadiens. Au moment de la libération, il y avait plusieurs milliers de soldats et d'officiers des armées alliées dans ce camp. Lors d'une conversation avec moi, John Umit de Birmingham a déclaré:
"Les Allemands ont emmené ici, dans ce camp, les soldats qui ne voulaient pas travailler pour eux, les conditions y étaient les plus strictes, beaucoup sont morts de faim, de froid et de maladies. J'ai été fait prisonnier pendant le drame de Dunkerque, environ 300 personnes ont été emmenées ici avec moi, maintenant seules quelques-unes d'entre elles sont en vie. Mes camarades de camp et moi-même remercions du fond du cœur l'armée héroïque de notre allié, qui nous a permis d’échapper à une mort certaine. Le monde entier s'incline devant l'Armée rouge, nous nous inclinons plus bas encore que les autres parce qu'elle a sauvé notre vie, notre honneur et n'a pas permis aux Allemands de sévir contre nous dans ce lieu de mise à mort infernal. Mes camarades et moi voulons retourner dans notre pays le plus vite possible afin de continuer la lutte contre les nazis et l'Allemagne au sein des troupes britanniques."
Correspondant de guerre du journal La Pravda, lieutenant-colonel Polevoï
29 janvier 1945»