Les 18 et 19 juin, le tribunal de Nuremberg a commencé à contre-interroger Franz von Papen, ancien chancelier, vice-chancelier et ambassadeur de l'Allemagne nazie en Autriche et en Turquie. Âgé de 67 ans, l'accusé von Papen a réussi à trahir tout ce en quoi il croyait et dont il était fier: l'honneur d'un aristocrate, la dignité d'un officier, le patriotisme d'un chancelier, les principes d'un diplomate. Il a fait partie de ceux qui ont permis à Hitler d'accéder au pouvoir et de ceux qui ont représenté l'Allemagne nazie à l'étranger. Décoré pour sa bravoure pendant la Première Guerre mondiale, il a fait preuve d'une lâcheté et d'une faiblesse sans précédent pendant la Seconde. Le plus noble des accusés à Nuremberg a été méprisé même par ses voisins de banc.

Beaucoup plus tard, il a, bien sûr, écrit ses mémoires: presqu’aucun des accusés resté en vie après le procès de Nuremberg n'a échappé à cette tentation. Mais aucun n'a fait preuve d'une telle imagination et d'un tel art de l'auto-justification coquette.

Franz von Papen // Bundesarchiv, Bild 183-1988-0113-500 / CC-BY-SA 3.0
Franz von Papen // Bundesarchiv, Bild 183-1988-0113-500 / CC-BY-SA 3.0

«Ma biographie a déjà été en très grande partie écrite à ma place. [...] J'ai été dépeint comme un super-espion, un homme mystérieux, un intrigant et un conspirateur politique, et un diplomate à deux visages. On m'a traité de gentleman-chevalier stupide, confus et naïf, incapable de saisir le vrai sens de la situation politique. On a écrit sur moi comme sur un réactionnaire malveillant qui avait délibérément travaillé pour la montée au pouvoir d'Hitler et avait soutenu le régime nazi avec tous les moyens à sa disposition. On m'a attribué le rôle d'architecte en chef de la prise de l'Autriche et on m'a appelé le chef d'orchestre de la politique agressive d'Hitler lorsque j'étais ambassadeur en Turquie pendant la Seconde Guerre mondiale. [...] Je comprends quel magnifique objet j'étais pour le travail des machines de propagande. J'ai traversé tous les stades dans la vie: de chancelier de mon pays à criminel de guerre sur le banc des accusés du procès de Nuremberg, à qui ont été présentées des accusations passibles de la peine de mort. J'ai servi ma patrie pendant près de cinquante ans et j'ai passé la moitié de ma vie en prison après la Seconde Guerre mondiale. J'ai été accusé d'avoir aidé Hitler, mais sa Gestapo m'avait inscrit sur ses listes de liquidation et avait supprimé plusieurs de mes plus proches collaborateurs. Pendant la plus grande partie de ma vie, j'étais un soldat, protégé sur les champs de nombreuses batailles par un ange bienveillant, le tout afin d'échapper miraculeusement à la mort des mains d'un tueur à gages armé d'une bombe russe. [...] Monarchiste convaincu, j'ai été appelé à servir la république. Homme traditionnellement conservateur, j'ai été qualifié d'homme de main d'Hitler et d'admirateur de ses idées totalitaires. Par mon éducation et par mon expérience, je suis partisan de véritables réformes sociales mais ai acquis une réputation d'ennemi des classes ouvrières. [...] Partisan de toujours d'une solution exclusivement pacifique du problème austro-allemand, qui a ainsi suscité une haine amère de la part des nazis autrichiens, j'ai été accusé d'avoir organisé l'Anschluss hitlérien. Luttant toute ma vie pour une position forte de l'Allemagne en Europe centrale, j'ai été contraint d'assister à l'absorption de la moitié du territoire de ma patrie par le despotisme oriental. Fervent catholique, j'ai au bout du compte été déclaré serviteur de l'un des gouvernements les plus impies du monde contemporain. Je ne me fais aucune illusion sur la réputation que j'ai à l'étranger.»

Dans cette préface à ses mémoires, Franz von Papen fait preuve d'une ruse magistrale: oui, tous les faits sont exacts, mais aucun d'entre eux n'a reçu une évaluation honnête.

Officier et gentilhomme

Franz Joseph Hermann Michael Maria von Papen, Erbsälzer zu Werl und Neuwerk, était en effet un véritable aristocrate, un oiseau rare parmi la populace qui a atteint les sommets du pouvoir sous le IIIe Reich. Un Erbsälzer est un titre de noblesse qui remonte aux patriciens de la ville libre de Verl, avec le droit héréditaire d'exploiter les mines de sel voisines. Le père de Franz, Friedrich von Papen-Koeningen, était un grand propriétaire terrien issu d'une famille de chevaliers allemands (cette lignée remonte au moins au milieu du XVe siècle). Sa mère, Anna Laura von Steffens, était originaire des provinces du Rhin. Franz était leur troisième enfant. La famille professait le catholicisme, et des années plus tard, von Papen mentira pathétiquement en affirmant qu'il «combattait la politique d'Hitler» comme un vrai croyant.

Les armoiries de la famille von Papen // Otto Hupp, Münchener Kalender 1934
Les armoiries de la famille von Papen // Otto Hupp, Münchener Kalender 1934
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Lorsqu’il avait 11 ans, ses parents, qui voyaient l'avenir de leur fils dans la médecine, le sacerdoce ou, à la limite, la fonction publique, ont dû céder à ses demandes obstinées et l'envoyer à l’école militaire. Franz a courageusement enduré des entraînements impitoyables, a bien progressé dans ses études et n'a pas déshonoré sa famille, recevant constamment les confirmations de la justesse de son choix: il a été page impérial, puis promu officier avant les autres élèves. Dans sa jeunesse, il a assisté à des bals impériaux, à des cérémonies d'ouverture du Reichstag et de la diète de Prusse, a rencontré de hautes personnalités de l'Empire allemand.

Franz von Papen, page impérial à Berlin, 1897 // Une photo scannée du livre de von Papen «Der Wahrheit eine Gasse»
Franz von Papen, page impérial à Berlin, 1897 // Une photo scannée du livre de von Papen «Der Wahrheit eine Gasse»
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Après l'école militaire, puis une formation à l'Académie militaire prussienne, le sous-lieutenant Franz von Papen s’est présenté dans l'unité militaire où son père avait autrefois servi: le cinquième régiment d’uhlans de Westphalie à Düsseldorf, dont les membres étaient issus des meilleures familles. Et c'est ainsi que sa vie continuera à l’avenir: à chaque tournant du destin, von Papen se retrouvait toujours dans une élite, quelle qu’elle soit. Il avait toutes les compétences que devrait avoir un officier allemand: il est ainsi devenu un brillant cavalier et a même participé à des courses hippiques en tant qu’amateur.

En 1913, von Papen est entré au commandement de l'état-major général avec le grade de capitaine. À cette époque, il était déjà marié, ce qui correspondait parfaitement aux habitudes de sa classe. Son épouse était Martha von Boch-Galhau, une des héritières les plus riches d'Allemagne, fille d'un industriel sarrois, propriétaire de la société Villeroy & Boch. Sa dot et son héritage ont fait de von Papen un homme très riche. Lui, il incarnait pleinement la «crème de la crème» de la caste militaire. Origine et instruction aristocratiques, excellente présentation, très bonne éducation, richesse, esprit large, maîtrise de plusieurs langues, charme personnel incontestable, amis influents... Mais aussi une philosophie personnelle spécifique combinant un snobisme (conviction inébranlable en la supériorité de l'aristocratie sur la plèbe), la dévotion à l'empereur Guillaume II, le monarchisme et les vues militaristes, forgées une fois pour toutes sous l’influence des livres du légendaire général Friedrich von Bernhardi.

Diplomate-saboteur

En décembre 1913, von Papen réalise une avancée majeure dans sa carrière: il entre au service diplomatique, en tant qu'attaché militaire de l'ambassadeur d'Allemagne aux États-Unis.

Franz von Papen, attaché militaire à Washington // Karl Boy-Ed (1872-1930) - Colin Simpson: Luisitania, 1973.
Franz von Papen, attaché militaire à Washington // Karl Boy-Ed (1872-1930) - Colin Simpson: Luisitania, 1973.
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Et à partir de ce moment-là, il n’était plus question d'impeccabilité personnelle ni de scrupule professionnel. En 1914, il s’est rendu au Mexique pour assister à la révolution. Auparavant, il avait mis en place un groupe de volontaires européens pour aider le général mexicain rebelle Huerta. Désormais, en tant qu'attaché, il lui vendait activement des armes, espérant faire entrer le Mexique dans la sphère d'influence allemande. Ces plans ne se sont pas concrétisés, les États-Unis ayant réprimé le coup d'État à Veracruz.

Le Président mexicain, le général Victoriano Huerta // United States Library of Congress's Prints and Photographs division
Le Président mexicain, le général Victoriano Huerta // United States Library of Congress's Prints and Photographs division
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Mais c’est pour la première fois que von Papen faisait une expérience pleine d'adrénaline et il a beaucoup aimé organiser des intrigues internationales. C'est ce à quoi il s’est depuis adonné.

Pendant la Première Guerre mondiale, il a, par exemple, tenté d'acheter des armes aux États-Unis qui étaient un pays neutre. Mais il s’est heurté à un problème: le blocus britannique ne permettait pas de livrer des armes à l'Allemagne. Von Papen a alors engagé un détective privé pour saboter les entreprises des pays alliés à New York. Berlin a mis à sa disposition des ressources financières illimitées. Comme il était impossible à l’Allemagne d'acheter des armes, il a essayé d'empêcher la Grande-Bretagne, la France et la Russie de le faire. Il est allé jusqu'à enregistrer une société écran qui a tenté pendant deux ans de racheter toutes les presses hydrauliques aux États-Unis afin d'empêcher les sociétés américaines de produire des obus d'artillerie pour les alliés. De plus, en même temps, von Papen a organisé la fabrication de faux passeports américains à New York afin que les citoyens allemands des Amériques puissent retourner en Allemagne.

Au final, pris par le goût de l'aventure et certain de son impunité, il a dépassé les bornes. À la fin de 1914, il a abusé de l'immunité diplomatique et commencé à planifier une invasion du Canada, en envisageant de faire exploser les principales voies de transport: les chemins de fer et les ponts. Puis il a participé à la conspiration hindou-allemande, en entrant en contact avec des nationalistes indiens en Californie, qui s'opposaient au Royaume-Uni, et s’est mis à leur livrer des armes. En 1915, il a organisé l'explosion du pont international de Vanceboro. Il n’a échappé à l'arrestation que grâce à son immunité. Et en cours de route, il a continué à fournir des armes aux Mexicains.

Tireurs d'élite mexicains de la période révolutionnaire (carte postale). Les années 1910 sont une période de guerre civile dans le pays. Franz von Papen, ancien attaché militaire aux États-Unis et au Mexique, a activement soutenu le régime mexicain.
Tireurs d'élite mexicains de la période révolutionnaire (carte postale). Les années 1910 sont une période de guerre civile dans le pays. Franz von Papen, ancien attaché militaire aux États-Unis et au Mexique, a activement soutenu le régime mexicain.
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Les services de renseignement britanniques, lassés de lui faire face seuls, ont fourni toutes les informations sur les agissements de cet attaché militaire allemand au gouvernement américain. Celui-ci n'a pas hésité à déclarer von Papen persona non grata et à l’expulser du pays pour complicité de planification d'actes de sabotage, d'espionnage et d'activités subversives. En Allemagne, l'humble héros a été ovationné et décoré sur-le-champ de la Croix de fer.

Il n’a toutefois pas abandonné ses conspirations en Amérique. Il a envisagé différentes options pour avoir de l'influence au Mexique. Il a fourni des armes aux républicains irlandais pour l’insurrection de Pâques 1916 contre la Grande-Bretagne. Il a servi d’intermédiaire aux nationalistes indiens. Stupéfaites, les autorités américaines qui ont assisté à tout cela, ont finalement décidé de montrer plus qu'une profonde préoccupation. Au printemps 1916, le grand jury fédéral américain a accusé von Papen d’avoir comploté en vue de faire exploser le canal Welland au Canada. Cependant, les poursuites ont été par la suite abandonnées. Coïncidence surprenante: l’abandon des poursuites a eu lieu au même moment où von Papen a été nommé au poste de chancelier d'Allemagne.

Chevalier de la Croix de fer

Après avoir assouvi pour un certain temps sa passion pour l'intrigue internationale et joué suffisamment aux espions, Franz s’est souvenu qu’il était militaire. Il est retourné en service actif et est parti sur le front de l’Ouest. Il faut dire qu’il s'est battu vaillamment, toutefois sans grand succès. En août 1916, son bataillon a subi de lourdes pertes, repoussant héroïquement l'attaque britannique lors de la bataille de la Somme. Un an plus tard, il est écrasé par le corps canadien lors de la bataille de la crête de Vimy. À cette époque, von Papen avait déjà reçu la Croix de fer, 1er degré. Il était vraiment courageux comme un lion et ne se cachait pas des balles.

Première Guerre mondiale, la trêve, décembre 1914 // www.flickr.com / CC BY-NC-ND 2.0
Première Guerre mondiale, la trêve, décembre 1914 // www.flickr.com / CC BY-NC-ND 2.0
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Puis il a été transféré au Moyen-Orient et a servi comme officier de l'armée ottomane en Palestine (le génocide arménien, dont von Papen a été témoin, ne l'a pas du tout touché). C'est à Constantinople qu’il s’est lié d'amitié avec Joachim von Ribbentrop. Et encore une fois, il s'est montré guerrier intrépide: dans les batailles du Sinaï et dans la campagne palestinienne. En novembre 1918, il est rentré en Allemagne après l'armistice entre les Turcs et les alliés avec le grade de lieutenant-colonel. Et là aussi, il a prouvé son courage. Avant le retrait du corps asiatique allemand, un ordre est venu y créer des conseils de soldats. Von Papen a refusé. Le général von Sanders a alors ordonné son arrestation, après quoi le lieutenant-colonel rétif s'est enfui en Allemagne en costume civil. Il y a rencontré le maréchal von Hindenburg et l'a convaincu de sa totale loyauté.

Herrenklub et cabinet des barons

Lassé d'une année de vie sereine à la campagne après l'armée, von Papen s’est rendu dans la région de la Ruhr pour réprimer l’insurrection communiste en tant que commandant du détachement des Freikorps et défendre le catholicisme contre les «maraudeurs rouges». Il s’y est forgé une réputation impressionnante à tel point qu'à l'automne 1920, le baron von Kerckerinck, chef de l'influente Association des agriculteurs de Westphalie, lui a promis son soutien s'il décidait de se présenter aux élections à la diète de Prusse. Von Papen a sauté sur cette opportunité.

Il a rejoint le parti Centre (Zentrum) du côté de l'aile catholique extrêmement conservatrice. Il s'est immédiatement révélé être un homme politique «de droite» pur et dur. Von Papen a occupé une position dirigeante au Centre, car il avait un atout de taille: il était le plus grand actionnaire et chef du comité de rédaction de Germania, le plus grand journal catholique du pays.

Pendant dix ans, von Papen a représenté la Westphalie à la diète. Mais il a rarement assisté aux réunions et n’y a jamais pris la parole. En revanche, il a réussi à retourner son propre parti contre lui: aux élections présidentielles, il a voté pour le candidat de droite Paul von Hindenburg, et non pour Wilhelm Marx, candidat du Centre. Les membres du parti étaient tellement enragés face à cette trahison qu'ils ont failli expulser von Papen pour avoir enfreint la discipline du parti.

Von Papen est revenu à sa passion pour les conspirations, devenant membre du Deutsche Herrenklub, association de grands propriétaires terriens, grands industriels, banquiers, hauts fonctionnaires ministériels et d'autres personnalités publiques. C'est là que des politiciens ambitieux et rusés concluaient des petites alliances pour agir contre quelqu'un et élaboraient des intrigues. Von Papen a depuis longtemps abandonné ses principes d'aristocrate. Cet ancien monarchiste a donc salué le gouvernement présidentiel en 1930 et, visionnaire, a soutenu le NSDAP. Lors de l'élection présidentielle de 1932, il a voté pour son ancien camarade de régiment Oskar von Hindenburg, le considérant comme le candidat idéal pour unir la droite. Par renvoi d’ascenseur, il est, le 1er juin 1932, devenu chancelier d'Allemagne.

Le général Kurt von Schleicher, son vieil ami de l'état-major d'avant-guerre, l'a aidé à obtenir cette nomination. Quant à Schleicher, il a pris le portefeuille de la Défense et a également nommé l'ensemble du cabinet, appelé plus tard le «cabinet des barons». Là aussi, von Papen a commis une autre trahison: lui qui avait assuré la veille à ses camarades du parti qu'il ne permettrait jamais une telle chose, a docilement obéi à Schleicher. Et en juin 1932, il a fait la connaissance d’Adolf Hitler.

Un chancelier qui a irrité tout le monde

Hitler et Hindenburg ont alors convenu que le parti nazi ne s'opposerait pas au «cabinet des barons», si de nouvelles élections étaient organisées, l'interdiction des activités des troupes d'assaut levée et l'accès à la radio donné aux nazis. Toutes ces exigences ont été satisfaites.

Le Président du Reich Paul von Hindenburg, 1932 // Bundesarchiv, Bild 183-R17289 / CC-BY-SA 3.0
Le Président du Reich Paul von Hindenburg, 1932 // Bundesarchiv, Bild 183-R17289 / CC-BY-SA 3.0
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En tant que chancelier, von Papen a immédiatement montré son manque de principes au niveau international. Il s'est attribué le succès de l'annulation des énormes obligations allemandes concernant les réparations, mais en même temps, il a violé la condition de cette annulation refusant de payer à la France 3 millions de Reichsmarks.

Franz von Papen lors d’un discours, 1932
Franz von Papen lors d’un discours, 1932
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Les simples citoyens allemands ont vite détesté le nouveau chancelier: von Papen a introduit le régime d’austérité, réduit les allocations chômage tout en diminuant les impôts pour les grandes entreprises.

Il avait un talent incroyable de retourner tout le monde contre lui: ses amis, collègues, partenaires, électeurs... Se considérant comme un brillant stratège politique, von Papen prenait constamment de mauvaises décisions.

Il a ainsi réprimé le putsch des Sociaux-démocrates en Prusse sous le prétexte infondé de leur alliance avec les communistes, espérant gagner le soutien des nazis. Puis il s'est déshonoré à la Conférence mondiale pour le désarmement en ordonnant à la délégation allemande de quitter la salle après que les Français aient prophétisé que l'octroi à l'Allemagne du statut égal dans l'accumulation d'armes conduirait à une nouvelle guerre mondiale.

Affiche électorale du NSDAP collée sur une colonne à Berlin // Bundesarchiv, Bild 102-15183 / CC-BY-SA 3.0
Affiche électorale du NSDAP collée sur une colonne à Berlin // Bundesarchiv, Bild 102-15183 / CC-BY-SA 3.0
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Le 31 juillet 1932, les nazis ont remporté les élections au Reichstag. À la suite de leur victoire, le niveau de terrorisme politique à l’intérieur du pays a monté en flèche: les combattants de la SA sentaient leur impunité. Von Papen se retournait comme une girouette en s’efforçant de ne pas perdre la faveur d'Hitler. Il a, par exemple, commué les condamnations à mort en réclusion à perpétuité pour plusieurs SA qui avaient tué un ouvrier communiste dans la célèbre affaire Potempa. Le 11 août, qui était la journée de la Constitution, von Papen a annoncé lors d'une conférence de presse les projets d'un nouveau texte qui transformerait de fait l'Allemagne en une dictature, et a offert à Hitler le poste de vice-chancelier. Ce dernier ne l'a pas accepté: il avait besoin d'un vrai pouvoir et pour cela il était prêt à attendre.

Le chancelier Adolf Hitler et le Président du Reich Paul von Hindenburg se serrent la main lors de la journée de Potsdam, la cérémonie officielle marquant l'ouverture de la nouvelle période de session du Reichstag de l'Allemagne nazie, le 21 mars 1933 // Bundesarchiv, Bild 183-S38324 / CC-BY-SA 3.0
Le chancelier Adolf Hitler et le Président du Reich Paul von Hindenburg se serrent la main lors de la journée de Potsdam, la cérémonie officielle marquant l'ouverture de la nouvelle période de session du Reichstag de l'Allemagne nazie, le 21 mars 1933 // Bundesarchiv, Bild 183-S38324 / CC-BY-SA 3.0
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L'erreur de l'intrigant

En novembre 1932, von Papen a violé le traité de Versailles en adoptant un programme de reconstruction de la marine allemande. Désormais des cuirassés, des croiseurs, des destroyers et des flottilles de sous-marins et même un porte-avions permettaient à l'Allemagne de contrôler la mer du Nord et la Baltique. Cependant, cela n'a pas ajouté à sa popularité. D'ailleurs, les nazis ont perdu des sièges au Reichstag et von Papen a été contraint de démissionner. Schleicher, l’ancien ami désormais ennemi, est devenu chancelier.

Le 12 septembre 1932, le chancelier du Reich Franz von Papen a annoncé la dissolution du Reichstag // Bundesarchiv, Bild 183-1988-0113-500 / CC-BY-SA 3.0
Le 12 septembre 1932, le chancelier du Reich Franz von Papen a annoncé la dissolution du Reichstag // Bundesarchiv, Bild 183-1988-0113-500 / CC-BY-SA 3.0
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Le ressentiment était tellement fort que von Papen a perdu la capacité de penser logiquement. L'essentiel était de se venger et de revenir au pouvoir. Pour ce faire, il a décidé de jouer sur les ambitions d'Hitler, croyant sérieusement que ce dernier serait facile à contrôler. Les deux se sont rencontrés secrètement et ont convenu de former un nouveau gouvernement. Von Papen, fier de sa ruse, a accepté humblement d'être le vice-chancelier d'Hitler. Le peu de sceptiques qui voyaient en Hitler une menace ont été rassurés avec arrogance par von Papen: avec Hindenburg, ils auraient tout pris en compte et prévu, le nouveau chancelier serait «gouvernable».

Le 30 janvier, le président, qui avait récemment juré publiquement qu'Hitler ne serait jamais chancelier, a annoncé sa nomination.
Communiqué de presse du Berliner Abendblatt «Attaque» du 30 janvier 1933 sur la prise de pouvoir par Adolf Hitler (scan du journal Mabit1 - Eigenes Werk) // CC BY-SA 4.0
Communiqué de presse du Berliner Abendblatt «Attaque» du 30 janvier 1933 sur la prise de pouvoir par Adolf Hitler (scan du journal Mabit1 - Eigenes Werk) // CC BY-SA 4.0
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Il n'y avait que trois nazis dans le nouveau cabinet: Hitler, Göring et Frick. Les autres postes étaient occupés par des conservateurs proches de von Papen. Le vice-chancelier a reçu le droit d'être présent à chaque réunion entre Hitler et Hindenburg, toutes les décisions du cabinet ont été prises en votant. En un mot, il semblait que les conservateurs seraient en mesure de contrôler le nouveau chancelier. Ce n'était pas le cas. Hitler et ses alliés ont rapidement évincé von Papen et les autres ministres.

Arrivés au pouvoir en janvier 1933, les nazis allemands forment le premier cabinet sous la direction d'Adolf Hitler. Sur la photo (assis): Hermann Göring, Adolf Hitler et Franz von Papen // Bundesarchiv, Bild 183-H28422 / CC-BY-SA 3.0
Arrivés au pouvoir en janvier 1933, les nazis allemands forment le premier cabinet sous la direction d'Adolf Hitler. Sur la photo (assis): Hermann Göring, Adolf Hitler et Franz von Papen // Bundesarchiv, Bild 183-H28422 / CC-BY-SA 3.0
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La première étape consistait à nommer Göring ministre de l'Intérieur de Prusse et à prendre sous contrôle les forces de police allemandes. Göring n'informait pas son patron de ses décisions. Le vice-chancelier est ainsi devenu le caniche d'Hitler et a suivi sans protester toutes ses instructions. Toutes les tentatives d'intrigues ont échoué. Von Papen a voulu unir son nouveau parti avec le Centre et le Parti populaire bavarois afin de tenir tête au NSDAP, mais personne ne l'a soutenu. Au printemps 1934, alors que le président Hindenburg était déjà mourant, von Papen a mis par écrit la volonté politique de ce dernier, prévoyant la destitution d'un certain nombre de ministres nazis. Von Papen a repris courage.

Bannière de propagande «Oui au Führer!» sur un bâtiment scolaire de la ville bavaroise de Fürth. Le référendum organisé au cours de l'été 1934 a abouti à la fusion des fonctions de chancelier et de Président. Adolf Hitler devient Führer du Reich allemand
Bannière de propagande «Oui au Führer!» sur un bâtiment scolaire de la ville bavaroise de Fürth. Le référendum organisé au cours de l'été 1934 a abouti à la fusion des fonctions de chancelier et de Président. Adolf Hitler devient Führer du Reich allemand
© Ferdinand Vitzethum - Sammlung Superikonoskop

Marque noire lors de la nuit des Longs Couteaux

Le 17 juin 1934, il a prononcé un discours à l'université de Marburg. Le texte qu'il a en fait vu pour la première fois deux heures avant son intervention, a été écrit par ses collaborateurs: son secrétaire Herbert von Bose, son conseiller Edgar Julius Jung et un chef catholique Erich Klausener. Le discours de von Papen a été acclamé par le public.

Herbert von Bose, 1933
Herbert von Bose, 1933
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Il était en verve: il a prôné le rétablissement des libertés et a exigé la fin de la terreur des SA dans les rues, a fustigé la violence et la répression approuvées par le chancelier, en a appelé à la Reichswehr et aux élites financière et commerciale de l'Allemagne, a dénoncé l'extrémisme du NSDAP, a ouvertement parlé de la surveillance anonyme et de l’intimidation par les nazis à l’égard de leurs opposants. Les extraits du discours ont été publiés par Frankfurter Zeitung, le journal le plus prestigieux d'Allemagne. Hitler était furieux et a exigé que d'autres publications soient interdites. Ce à quoi von Papen a réagi avec dignité pour la première et la dernière fois de sa vie: il s'est déclaré prêt à démissionner. Mais Hitler a soudainement reculé en admettant pacifiquement que la critique du régime était tout à fait appropriée et utile et en assurant que les exigences formulées dans le discours seraient satisfaites. Von Papen l’a cru. L’esprit de vengeance propre au chancelier lui a échappé.

Deux semaines plus tard, Hitler a entrepris le nettoyage de la SA ainsi que l'élimination de Röhm et d’autres opposants réels ou potentiels. La nuit des Longs Couteaux s’est déroulée du 29 juin au 2 juillet. C'est alors que les SS et la Gestapo ont attaqué et perquisitionné les bureaux de Papen au palais Borzig. Cette nuit-là, von Papen a perdu tous les collaborateurs qui avaient écrit le discours de Marburg: Bose, Jung et Klausener ont été abattus. Le vice-chancelier a été placé en résidence surveillée et sa ligne téléphonique coupée. Comme von Papen l'a affirmé plus tard, ils ne l'ont pas tué uniquement grâce à Göring, qui a estimé que l'ancien diplomate pouvait encore être utile. La police qui gardait von Papen était subordonnée à Göring et avait reçu l'ordre d'empêcher son arrestation par la Gestapo ou la SS. Après trois jours d'assignation à résidence, pendant lesquels il n’a pas fermé d'œil, le vice-chancelier est allé au Reichstag, où il a découvert qu'Hitler et les ministres nazis discutaient autour d'une table ronde, à laquelle il n'y avait pas de place pour lui. Il est resté debout un moment, puis a sollicité une entrevue en privé avec Hitler et a démissionné. Hindenburg est mort le 2 août. Il n'y avait plus d'obstacles devant le futur Fürher.

Même les nazis le méprisaient

Beaucoup plus tard, lorsqu'il en était question au procès de Nuremberg, les accusés n’ont pas caché leur mépris: comment lui a-t-il été possible de reprendre le travail avec Hitler après l’assassinat de ses fidèles collègues et assistant? Une lettre a été présentée au tribunal: écrite par von Papen à Hitler après la nuit des Longs Couteaux, elle était pleine d’assurances de soutien et de mots d'admiration pour le chef «envoyé du ciel» et d’éloges pour le courage et la détermination avec lesquels le chancelier «a héroïquement réprimé le putsch de Röhm». Göring a qualifié haut et fort von Papen de «menteur» et de «lâche». Et Jodl d'ajouter: «Si j'avais permis la mort de trois de mes adjudants, je n'aurais plus pu servir ce régime! Après ça, vous auriez dû avaler du poison!» Le procureur David Maxwell-Fyfe a dit à l'accusé: «Vous étiez prêt à vous attirer les faveurs des tueurs! Vous compreniez qu'après le massacre, qui a provoqué un tel tollé international, le soutien d’un ex-chancelier, qui jouissait de l'autorité dans les milieux catholiques, a été inestimable pour Hitler!» «Bien que cela soit vrai, si j’avais commencé à travailler contre lui, j’aurais inévitablement subi le même sort que mes collègues disparus», a répondu von Papen. Ensuite, il s’est plaint au psychiatre Gilbert: «Évidemment, maintenant on voit cela d’un œil complètement différent qu’à l’époque, d’autant plus que c’était après trois jours d'arrestation. Toutes ces questions: pourquoi et dans que but je suis resté au gouvernement... Je veux vous poser à nouveau une question: qu'avais-je d'autre à faire, alors que la guerre avait éclaté ? [...] Mon adjudant a été fusillé! Et pourtant j'ai dû me dire: “Jusqu'à présent, personne ne t'a libéré de ta dette envers la Patrie!” Pensez-vous que c'était facile pour moi? C'était un conflit terrible!»

En guise de consolation, Hitler a remis à von Papen un insigne en or du NSDAP et l’a nommé ambassadeur à Vienne.

Franz von Papen peu après sa nomination au poste d’ambassadeur d'Allemagne à Vienne en juillet 1934. Sur la photo: Franz von Papen et sa femme Martha ainsi que Fritz Günther von Tschirschky, chef de Cabinet de von Papen, avec sa femme // Federal Archive Lichterfelde
Franz von Papen peu après sa nomination au poste d’ambassadeur d'Allemagne à Vienne en juillet 1934. Sur la photo: Franz von Papen et sa femme Martha ainsi que Fritz Günther von Tschirschky, chef de Cabinet de von Papen, avec sa femme // Federal Archive Lichterfelde
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Utilisant des tromperies, des menaces, des flatteries et des pots-de-vin, von Papen y a entrepris la préparation de l'Anschluss, l’annexion de l'Autriche par l'Allemagne. Le nouvel ambassadeur assurait régulièrement au chancelier von Schuschnigg que l'Allemagne n'avait pas l'intention d'annexer l'Autriche. Tout ce qu'il fallait, c'est que le parti nazi autrichien ait la possibilité de participer à la politique étatique. Puis il a accentué la pression et a arrangé l'accord de 1936 selon lequel l'Autriche se déclarait un État subordonné à l’Allemagne et était obligée de coordonner sa politique étrangère avec Berlin.

Vienne, 1938. De gauche à droite: Wilhelm Freiher von Ketteler (attaché de l'ambassade d'Allemagne à Vienne), l'ambassadeur allemand en Autriche Franz von Papen et Hans Graf von Kageneck (attaché de l'ambassade d'Allemagne à Vienne) // Federal Archive Lichterfelde
Vienne, 1938. De gauche à droite: Wilhelm Freiher von Ketteler (attaché de l'ambassade d'Allemagne à Vienne), l'ambassadeur allemand en Autriche Franz von Papen et Hans Graf von Kageneck (attaché de l'ambassade d'Allemagne à Vienne) // Federal Archive Lichterfelde
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En échange, l'Allemagne a signé sa renonciation à toute intention d'annexion. À la fin de 1937, von Papen a obtenu une forte représentation des nazis dans le gouvernement autrichien au prix de fortes pressions. Après cela, il a été rappelé à Berlin et chargé d'organiser les négociations italo-allemandes avec Mussolini. Hitler pouvait désormais labourer la terre préparé par son ancien ambassadeur: il a lancé un ultimatum à von Schuschnigg, contraint le gouvernement autrichien à capituler et ouvert la voie à l'Anschluss.

Arrivée d'Adolf Hitler à Vienne acclamé par la foule après l'Anschluss, le 15 mars 1938 // Bundesarchiv, Bild 146-1985-083-10 / CC-BY-SA 3.0
Arrivée d'Adolf Hitler à Vienne acclamé par la foule après l'Anschluss, le 15 mars 1938 // Bundesarchiv, Bild 146-1985-083-10 / CC-BY-SA 3.0
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L’ambassadeur à la carotte et au bâton

De 1939 à 1944, von Papen a été ambassadeur d'Allemagne en Turquie. Pendant toute une année, le Président turc Mustafa Kemal s'est opposé à cette nomination, rappelant avec dégoût leur service commun pendant la Première Guerre mondiale. Son successeur, Ismet Inonu, a également opposé son veto pendant plusieurs mois aux tentatives de Ribbentrop d'installer von Papen à Ankara, mais a finalement cédé.

İsmet İnönü, Président de la République de Turquie
İsmet İnönü, Président de la République de Turquie
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Le nouvel ambassadeur est arrivé fin avril 1939: immédiatement après la signature de la déclaration d'amitié turco-britannique (le Président Inonu voulait s'unir avec la Grande-Bretagne contre l'Allemagne). En juillet, la Turquie et la France ont signé une déclaration sur la sécurité collective dans les Balkans. Et en août, von Papen a montré les dents: il a présenté à la Turquie une note diplomatique promettant des sanctions et l'annulation des livraisons d'armes si l'amitié avec le «front de la paix» franco-britannique ne prenait pas fin.

Le 1er septembre, l'Allemagne a attaqué la Pologne. Le 3, la Grande-Bretagne et la France déclaraient la guerre à l'Allemagne. Plus tard, von Papen affirmait à toute occasion qu'il était catégoriquement en désaccord avec la politique étrangère d'Hitler, qu'il était choqué par l'invasion de la Pologne et qu'il n'avait pas démissionné uniquement pour une raison de loyauté envers son pays: sa démission aurait montré à tout le monde «l'affaiblissement moral de l'Allemagne».

En juin 1940, la France a été occupée et Inonu a renoncé à la neutralité pro-alliée. En 1942, von Papen a conclu trois accords économiques qui mettaient la Turquie sous l'influence économique de l'Allemagne. Il menaçait régulièrement qu'en cas de désobéissance, l'Allemagne soutiendrait les revendications bulgares sur la Thrace. En juin 1941, il a signé le traité d'amitié et de non-agression avec la Turquie, creusant ainsi un fossé entre la Turquie et les alliés. Et après l'invasion de l'Union soviétique, il a insisté pour que la Turquie ferme les détroits aux navires de guerre soviétiques et britanniques.

L'ambassadeur allemand Franz von Papen et le ministre turc des Affaires étrangères Sükrü Saracoglu signent le pacte d'amitié turco-allemand à Ankara, le 18 juin 1941.
L'ambassadeur allemand Franz von Papen et le ministre turc des Affaires étrangères Sükrü Saracoglu signent le pacte d'amitié turco-allemand à Ankara, le 18 juin 1941.
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Plus tard, il a affirmé qu'il avait fait beaucoup d'efforts pour sauver les Juifs turcs des camps de concentration. Il en a même indiqué un nombre: 10.000. Mais il n'y a aucune preuve de cela. Il est cependant prouvé que tout au long de la Seconde Guerre mondiale, il a persuadé la Turquie de rejoindre les pays de l'Axe et dépensé d'énormes sommes d'argent provenant de fonds spéciaux pour soudoyer des politiciens turcs influents.

Le 24 février 1942, von Papen a été visé par un attentat. Une bombe a explosé, mais seul le saboteur a été tué alors que l'ambassadeur en est sorti légèrement blessé. L'attentat a peut-être été perpétré par des agents du NKVD sur ordre personnel de Staline, furieux de la fermeture des détroits pour les navires. Une deuxième version suppose que la tentative d'assassinat avait été organisée sur ordre d'Hitler, de sorte que les soupçons tombent sur les services de renseignement soviétiques.

En 1943, von Papen a fait échouer les négociations entre le Royaume-Uni et la Turquie, et ainsi leur alliance. La bonne vieille méthode de la carotte et du bâton a fonctionné à merveille: l'ambassadeur a demandé à Hitler d'envoyer une lettre à Inonu, dans laquelle il était assuré que l'Allemagne n'était pas intéressée à envahir la Turquie, puis a menacé qu'en cas de désobéissance, Istanbul serait bombardée par la Luftwaffe.

Dès l'été 1943, von Papen a réalisé que la défaite de l'Allemagne était inévitable. Et de nouveau, il s'est lancé dans les intrigues. Il a obtenu une rencontre avec les Américains à Istanbul et leur a demandé leur soutien, proposant sans vergogne sa candidature au rôle de dictateur allemand après la destitution d'Hitler. Mais Roosevelt, ayant entendu parler de cela, a interdit toute négociation avec von Papen.

Désormais, il a dû utiliser le bâton de plus en plus souvent: la carotte ne fonctionnait plus. En apprenant les plans britanniques d'utiliser les aérodromes turcs pour bombarder la Roumanie, il a menacé qu'en réponse, la Luftwaffe détruirait Istanbul et Izmir à partir de ses bases en Bulgarie et en Grèce. Mais c'était déjà l’agonie: les Turcs n'avaient plus peur des Allemands. Au printemps 1944, la Turquie a réduit de moitié ses exportations vers l'Allemagne et le 2 août, a rompu ses relations diplomatiques avec Berlin. Von Papen a été contraint de repartir. Il y a eu des tentatives pour l'envoyer comme ambassadeur au Vatican, mais le pape Pie XII a catégoriquement rejeté cette nomination.

Pie XII
Pie XII
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Ne pas voir la honte de l'Allemagne

En août 1944, von Papen a rencontré Hitler pour la dernière fois. Ce dernier l'a décoré de la Croix de chevalier pour mérite militaire. Depuis septembre, l'ancien diplomate pansait ses plaies dans sa propriété de la Sarre. C'est de là qu'il a fui avec sa famille en novembre, par peur de l'avancée de l'armée américaine. En janvier 1945, il a contacté un adjoint de Ribbentrop, en proposant qu'on l'envoie, lui, diplomate expérimenté de la vieille école, comme médiateur pour convaincre les puissances occidentales d'empêcher les Russes d'occuper l'Allemagne. En vain.

Le 14 avril 1945, Franz von Papen et son fils ont été capturés à leur domicile de la Ruhr par des soldats américains. Avant d'être emprisonné, il a été emmené dans un camp de concentration afin qu'il puisse voir de ses propres yeux ce qu'il avait servi et ce à quoi il avait contribué.

Il a beaucoup appris et vu au procès de Nuremberg. Ou peut-être a-t-il prétendu que c'était nouveau pour lui. Il s'est détourné de l'écran quand a été projeté un documentaire sur les camps de la mort: «Je ne veux pas voir la honte de l'Allemagne!». Après chaque séance, il parlait longuement, condamnant Hitler et ses voisins du banc des accusés, acceptant volontiers les charges retenues contre tout le monde... sauf lui.

L'accusé Franz von Papen parle à son fils dans la prison de Nuremberg. Novembre 1945-octobre 1946 // Photo: United States Holocaust Memorial Museum
L'accusé Franz von Papen parle à son fils dans la prison de Nuremberg. Novembre 1945-octobre 1946 // Photo: United States Holocaust Memorial Museum

Il ne serait coupable de rien, mais aurait agi par amour pour sa patrie qui a tant souffert. Dans des conversations avec Gilbert, il s'est plaint:

«Mais dites-moi, qui pourrait prendre Mein Kampf au sérieux? On peut écrire tout et n'importe quoi pour atteindre un objectif politique. J'avais des différends avec Hitler, mais je n'ai jamais pensé qu'il voulait la guerre. Jusqu'à ce qu'il dénonce les accords de Munich. Cinq semaines avant l'Anschluss, j'ai démissionné de mon poste parce qu'il refusait d'appliquer ma politique progressiste. Que pouvais-je faire? Émigrer? Vivre à l'étranger en tant qu'émigré allemand? Cela ne me convenait pas. Aller au front en tant qu'officier? J'étais un peu vieux pour ça, et je n'aimais pas tirer. Critiquer Hitler? Cela ne pourrait aboutir qu'à une chose: ils me feraient un mauvais parti. D'ailleurs, un tel cas de figure ne changerait rien!»